Le découpage cantonal du territoire

Par Marianne Boivin, urbaniste
Territoire colonisé du Saguenay–Lac-Saint-Jean en 1864. On voit les cantons orientés en fonction du lac Saint-Jean et de la rivière Saguenay. On peut voir également sur quelques cantons le découpage en parcelles et en rangs (Source : BAnQ)

 

C’est bien connu, le Québec de l’époque de la Nouvelle-France a été administré selon le régime seigneurial, caractérisé par la présence des seigneuries, qui sont découpées en grands lopins de terre très longs et étroits, mais de forme irrégulière les unes par rapport aux autres.

Les seigneuries sont pratiquement toutes situées dans la vallée du Saint-Laurent, là où la colonisation du territoire québécois a débuté. L’arrière-pays et les régions plus éloignées étaient alors utilisés principalement pour l’extraction des ressources naturelles. Le territoire de la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean est d’ailleurs, à partir de 1652, inclus au sein du Domaine du Roi, vaste territoire englobant également les régions de la Côte-Nord et du Norddu- Québec. Le Domaine du Roi est expressément fermé à la colonisation et contrôlé par des compagnies jusqu’en 1842, date à laquelle le gouvernement permet la colonisation sur le territoire. À partir de là, le territoire du Saguenay–Lac-Saint- Jean, à l’instar de celui d’autres régions éloignées du Québec, est découpé en cantons par des arpenteurs mandatés par le gouvernement provincial. Les cantons, hérités du régime anglais, remplacent progressivement le découpage seigneurial instauré par le régime français, au tournant de la Conquête de 1760. Les premiers cantons sont érigés aux Cantons-de-l’Est, à partir de 1796.

Le canton divise le territoire en grandes parcelles de forme carrée visant à faciliter les opérations de colonisation. Chacun mesure environ 10 milles par 10 milles, pour une superficie totale de 100 milles carrés, soit environ 260 kilomètres carrés. Quand le canton est situé près d’une voie navigable comme le fleuve Saint-Laurent, ses dimensions seront plutôt de 9 milles par 12 milles de profondeur, pour une superficie totale de 108 milles carrés (280 kilomètres carrés). Les dimensions finales du canton peuvent tout de même varier en fonction du territoire. Une fois le territoire divisé, les cantons créés sont encore une fois divisés en lots de dimension régulière entrecoupés de rangs. Ces lots sont ensuite attribués aux colons pour les défricher et les cultiver.

Dans la région du Saguenay–Lac-Saint-Jean, les cantons ont été découpés parallèlement à la rivière Saguenay et au lac Saint-Jean. Dans d’autres régions, ils sont orientés en fonction d’autres cours d’eau importants, comme le fleuve Saint- Laurent sur la Côte-Nord et la rivière des Outaouais dans la région du même nom. Dans certains secteurs, notamment l’Abitibi-Témiscamingue, l’Outaouais et le Nord-du-Québec, le découpage des cantons forme un quadrillage régulier et presque parfait. Plusieurs cantons éloignés n’ont jamais été colonisés.

 

Le découpage cantonal aujourd’hui

Si le mode cantonal n’est plus utilisé de nos jours dans le découpage administratif des municipalités, les anciens cantons sont encore perceptibles dans le lotissement actuel puisqu’ils ont influencé la façon dont on occupe le territoire depuis leur création. On peut ainsi encore apercevoir leur trace quand on regarde l’organisation des voies de circulation et la forme des lots actuels, en particulier les lots agricoles et les lots forestiers. Les rangs qui parsèment le territoire rural et qui sont disposés de façon à former un quadrillage sont également directement hérités du découpage cantonal. Les cantons sont également encore perceptibles quand on regarde les limites de certaines municipalités.

Le site web du Greffe de l’arpenteur général du Québec (https://appli.foncier.gouv.qc.ca/gagq) permet de visualiser le cadastre primitif (c’est-à-dire le cadastre le plus ancien), avec tous les cantons et toutes les seigneuries du Québec, et de comparer au cadastre actuel.

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