De la rénovation urbaine au plan particulier d’urbanisme (PPU) au centre-ville d’Alma
par Marianne Boivin, urbaniste, SARP
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Les temps sont durs pour le centre-ville d’Alma. Au courant des derniers mois, les fermetures successives de commerces inquiètent plusieurs commerçants et citoyens, préoccupés par l’avenir de leur centre-ville. Ces inquiétudes ne datent cependant pas d’hier, et la ville d’Alma a tenté quelques fois de revitaliser le centre-ville à travers différentes interventions. Dans les années 1960, elle lancera d’ailleurs une série d’interventions en rénovation urbaine qui changeront profondément le portrait du centre-ville.
En effet, à partir des années 1950, l’arrivée massive d’automobiles et la demande grandissante en logements amènent une nouvelle façon de concevoir le développement urbain, où les fonctions commerciales et résidentielles sont séparées. Ainsi, les nouveaux quartiers sont presque uniquement composés de résidences unifamiliales, avec des rues peu reliées les unes aux autres. L’automobile devient alors le moyen de transport de choix pour se mouvoir.
Les années suivantes voient ainsi apparaître certains problèmes liés à la présence grandissante de l’automobile, qui intensifie le trafic dans le centre-ville d’Alma et les besoins en stationnement. On considère également que les habitations y sont vétustes et les rues trop étroites. Les autorités municipales donnent en 1963 un mandat à la Société technique d’aménagement régional (SOTAR), basée à Montréal, afin qu’elle produise un plan directeur pour améliorer le centre-ville. Des opérations de rénovation urbaine sont alors suggérées.
En 1968, la ville adopte le plan directeur élaboré par la SOTAR et se met aussitôt au travail. En 1969, elle acquiert 56 propriétés au centre-ville et en démolit 28, entraînant la délocalisation de plusieurs résidents du secteur. La ville obtient une subvention du gouvernement provincial afin de procéder à la construction d’un HLM et de compenser ainsi la perte en logements. On aménage également le boulevard des Cascades et des nouveaux stationnements (dont le stationnement à étages); on procède à l’enfouissement des fils électriques, à l’élargissement de rues et à la construction de nouveaux bâtiments plus modernes.
On cherche en parallèle à améliorer l’offre commerciale au centre-ville. En effet, l’ouverture en octobre 1970 des Galeries Lac-Saint-Jean fait craindre un exode des consommateurs vers les secteurs périphériques. L’ouverture d’un centre commercial à même le centre-ville, couplé à l’augmentation du nombre de stationnements et à l’élargissement des rues, est perçue comme la meilleure solution pour ramener les clients dans le secteur. La Plaza ouvre ainsi ses portes en 1972, sur des terrains anciennement occupés par des bâtiments récemment démolis par la ville.
Les opérations de rénovation urbaine des années 1960 et 1970 ont donc profondément changé le centre-ville d’Alma. En souhaitant moderniser son centre-ville, la ville d’Alma a démoli plusieurs bâtiments, a cherché à consolider son noyau commercial et institutionnel (avec la Plaza et la construction du Complexe Jacques-Gagnon) et à améliorer l’accessibilité du secteur en automobile.
Après la rénovation urbaine
La ville d’Alma a continué au fil des années d’intervenir pour améliorer son centre-ville. La ville met ainsi en place le programme Revi-Centre, en 1985, dans l’objectif d’améliorer les voies piétonnes, d’augmenter le nombre de stationnements et d’encourager la rénovation des bâtiments. Les années 1990 voient naitre le Programme de revitalisation de l’architecture au centre-ville (PRAC) qui vise l’amélioration de l’image du centre-ville à travers une architecture de qualité. Le PRAC est relancé au milieu des années 2000 par la ville, qui met en place en même temps un plan particulier d’urbanisme (PPU). Avec ces programmes, on implante la Terrasse des Cascades et la scène sur la rue Collard, on plante des arbres et on procède à l’amélioration de certaines façades. Le projet de renaturalisation des berges de la Petite Décharge est également lancé en parallèle. À l’heure actuelle, la ville d’Alma travaille sur un nouveau PPU dont les détails seront présentés en 2024.
Si la situation du centre-ville d’Alma préoccupe depuis près d’une soixantaine d’années, les stratégies utilisées pour revitaliser le secteur ont grandement évolué depuis le temps. En effet, les interventions des années 1960 et 1970 ont été plutôt drastiques, ayant entraîné la démolition de plusieurs bâtiments et le déplacement de citoyens. À l’opposé, les démarches actuelles menées par la ville d’Alma pour l’élaboration de son PPU incluent des consultations des différentes parties prenantes du centre-ville et il n’est plus question de démolition à grande échelle. Bref, nous sommes passés de la rénovation à la réhabilitation urbaine et nous cherchons désormais à améliorer l’existant plutôt qu’à le raser.
Qu’est-ce que la rénovation urbaine?
La rénovation urbaine consiste en la volonté de « reconstruire » la ville sur elle-même afin de régler des problèmes liés à l’organisation spatiale de la ville. Très souvent, elle commande une démolition quasi systématique des bâtiments plus anciens, jugés insalubres ou impropres aux standards de confort moderne. À l’époque, la rénovation urbaine est largement répandue partout dans le monde et mène souvent à la démolition de quartiers entiers, perçus comme étant insalubres et habités par des communautés pauvres et marginalisées. Les intérêts des populations locales sont alors très peu pris en considération.
Parmi les exemples les plus connus d’opération de rénovation urbaine, notons celui du Faubourg à m’lasse, un quartier de Montréal dont la population est majoritairement très pauvre et qui est complètement rasé en 1963 pour faire place à la Maison Radio-Canada, entraînant le déplacement d’environ 5 000 résidents.